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Par sa longévité, la Turbo 3.3 est exceptionnelle dans l’histoire de la 911 Turbo. Douze années, rien que ça, pour ce mythe aussi connu sous son nom de code «930». Elle a bien entendu évolué au cours de cette carrière, au point de devenir presqu’une machine différente (en comportement en tout cas), dans son ultime évolution en boîte 5 commercialisée uniquement sur le millésime 89. Cette carrière démarre au salon de Francfort en 1977. La Turbo 3.0 a vécu 3 ans et se voit remplacée par une auto à la cylindrée et puissance en hausse. L’aileron de la 3.3 est plus gros. Le spoiler aussi. Le turbo itou (mais ça ne se voit pas bien entendu). La puissance et le couple sont en hausse et même si la boîte 4 est conservée, elle a un premier et un quatrième rapport plus longs et un embrayage plus confortable. Les freins sont empruntés à la 917 et l’équipement général est plus riche, ce qui a pour effet également de faire grimper le poids à 1300 kg (moins de 1200 kg pour la 3.0 quand même). La 3.3 va beaucoup évoluer jusqu’à 1989. Une double sortie d’échappement arrive pour le millésime 80. En 1983, on gagne en couple et en silence grâce à une nouvelle gestion électronique et une ligne d’échappement revue. En 84, le tableau de bord gagne un témoin d’usure des plaquettes et les feux de brouillard sont intégrés au bouclier avant. Et on continue comme ça, avec une foultitude de petits détails. A chaque année son évolution. En 86 par exemple, l’injection LE Jetronic permet de mieux se conformer aux normes anti-pollution. Le millésime 87 marque un grand changement avec l’arrivée des Targa et des cabriolets. Et pour le millésime 89 donc, Porsche introduit la G50 à 5 rapports. Elle a été adaptée à la Turbo bien sûr, avec renforts au niveau du boîtier contenant le différentiel et l’embrayage. Comme les autres, ce millésime apporte aussi son lot de petites modifs à l’instar du système d’alarme désormais d’origine. Pour sa dernière année, l’usine ayant laissé entendre qu’il n’y aurait plus de 911 Turbo après celle-ci, la 3.3 connaîtra un vif succès commercial dans ses trois déclinaisons (coupé, targa et cabriolet)
Ah la Turbo. Elle nous a fait tant rêver. Qu’en est-il aujourd’hui ? Au début, on est dérouté. Embrayage un peu sec et haut perché (il est cependant réglable), direction lourde, moteur creux… les premières impressions, en l’occurrence, ne sont ni bonnes, ni les bonnes. Il faut d’abord prendre le temps d’apprendre, ou de réapprendre, la Turbo. Même par rapport à la 3.0 avec ses plus petites roues et son poids plus contenu, qui est donc plus performante sur certaines plages d’utilisation! Mais la 3.3 garde le côté Jekyll et Hyde. Dès qu’on dépasse les 3000 t/mn, tout change. Dessous, l’auto permet de circuler sans problème mais semble creuse. Audessus, on sent le moteur prendre vie, se gonfler et se mettre à respirer. Au niveau temps de réponse du Turbo, la 3.3 est plus douce. L’entrée en jeu du turbo est plus progressive et donc moins désarçonnante pour le conducteur. Sur bon revêtement, à l’affut de belles courbes, du moment qu’on ne rentre pas en sous-régime, la Turbo est à l’aise. Si les courbes se resserrent, ça peut devenir plus compliqué. L’absence d’assistance à la direction se fait sentir et il faut savoir doser son effort avec précision, en restant pile sur le bon filet de gaz pour libérer toute la puissance dès que la sortie de la courbe est en vue. Au volant, il devient vite grisant de combattre cette inertie qui oblige à se forcer à accélérer plus tôt que la normale et anticiper un peu à l’aveugle quand la puissance du turbo va arriver. Passons à la boîte 5. L’impression est très différente. Dès les premiers kilomètres en ville, la souplesse d’utilisation apparaît comme nettement meilleure. C’est simple, circuler en milieu urbain est ici aussi simple qu’avec une 3.2 ! Facile à utiliser, la boîte permet de toujours trouver le bon rapport. Bien entendu, le comportement général n’est pas transfiguré. La direction reste lourde et le pilotage garde ce côté très particulier propre aux premières 911 Turbo. Si on veut vraiment attaquer, on a quasiment besoin de toute la route ! Globalement, la boîte 5 garde donc le côté jouissif, presque dragster, de la 3.3 Turbo, mais en apportant plus de facilité au quotidien
Cette Turbo est à l’image des 911 de l’époque : très fiable. Compte tenu de l’âge de ces voitures, tous les éléments mécaniques classiques, des freins à l’embrayage en passant par les suspensions et autres roulements, sont à surveiller. Mais ni plus, ni moins, que sur une autre voiture pouvant avoir jusqu’à 36 ans. La protection anti-rouille de l’époque était efficace mais là encore, il s’agit aujourd’hui de rester vigilant et de tout bien regarder. Les coûts d’entretien sont a priori d’environ 50% supérieurs à ceux d’une atmo, mais restent raisonnables. Quels millésimes choisir ? La seule vraie différence, nous l’avons dit par ailleurs, porte sur la boîte 5. A part ça, plus on s’approche de 1988, plus les modèles seront bien équipés et afficheront une consommation moindre. Il faut aussi prendre en compte les modèles américains, moins puissants à cause des normes pratiquées outre Atlantique. Il est dit que les modèles européens ont été pensés par Porsche comme plus sportifs que les modèles américains, plus souples et donc moins efficaces. Flat 6 n’a jamais eu confirmation de ce choix de l’usine, mais les différences entre les versions européennes et américaines existent bien sur le plan mécanique, sans qu’il soit possible de les confirmer sur le plan du comportement. Les américaines s’identifient au numéro de châssis, ou aux gros butoirs de pare-chocs à l’arrière avec emplacement de plaque carré. A l’avant, les clignos devraient être rouges et intégrés dans le bouclier, donc sans rappel sur les ailes. Bien sûr, le compteur sera aussi en miles normalement
La Turbo S est la seule vraie série limitée sur base de Turbo 3.3. Elle s’accompagne du kit «flat nose» avec phares escamotables très à la mode dans les années 80. Ces kits avaient aussi des ouïes sur les ailes arrière. La puissance était portée à 330 ch à 5500 t/mn avec un couple de 461 Nm à 4000 t/mn. La S avait aussi 4 sorties d’échappement. Les flat nose pouvaient être commandées dès 1981, mais ne devinrent une option à part entière (M506) qu’avec la création du département Porsche Exclusiv en 1986. Un peu moins de 250 exemplaires ont été livrés. Le kit moteur pouvait aussi être commandé séparément, avec les 4 sorties et un radiateur frontal supplémentaire. Dans ce cas, le moteur doit porter l’inscription 930/66 S et le code option 148 doit apparaître
Les marchés très à cheval sur les normes anti-pollution, comme les US, posent problème à l’usine. Les premières 3.3 y sont commercialisées en 265 ch à 5500 t/mn (395 Nm à 4000 t/mn). Au millésime 80, l’usine ne pouvant plus suivre les exigences normatives, la Turbo disparaît tout simplement du catalogue aux US ou au Japon. Curieusement, le Canada arrive quand même à recevoir des exemplaires européens à 300 ch. La Turbo revient outre Atlantique avec une injection spécifique et une puissance de 282 ch à 5500 t/mn (390 Nm à 4000 t/mn) pour le millésime 86
La Turbo se mérite. Elle a un mode d’emploi spécifique. Bien faire chauffer le moteur avant de tirer dedans. Le laisser tourner environ 1 minute avant de le couper après une utilisation intensive. Ne pas accélérer à fond quand la jauge de carburant est sur la réserve